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Dossiers Séries

Magnum

Faites la connaissance de Thomas Magnum, officier de la Marine devenu détective privé à Hawaï. C’est un beau garçon, désinvolte et charmeur. Il porte une chemise criarde. Il aime les voitures rapides et les blondes qui le sont moins… Pour être franc, il n’aime pas se faire taper dessus. Il met la main sur son homme et quelques fois aussi il tombe les filles. Vous allez l’adorer! Décembre 1980, affiche publicitaire annonçant la diffusion du pilote.

Hawaï Police D’État, l’héritage

1980, la série Hawaï Police D’État se termine et laisse inutilisés les studios d’Hawaï et les structures de production mises en place par CBS pendant 12 ans. La chaîne cherche donc un nouveau projet pour rentabiliser les installations.

Glen A. Larson vient justement de lancer Galactica et Buck Rogers, deux séries de science-fiction. CBS le contacte pour mettre en place une série policière avec Tom Selleck, un grand (1,93 m) brun, aux yeux noisettes, aux fossettes de tombeur et ancien basketteur de 35 ans.

L’acteur s’est taillé une petite réputation en endossant un rôle semi-régulier, celui de Lance White, un détective privé qui était opposé à Jim Rockford dans la série 200 Dollars Plus Les Frais/The Rockford Files. Avant cette série, il a également tenu un rôle récurrent, Jed Andrews, dans Les Feux De L’amour (pour CBS). Ces épisodes sont toujours inédits en France.

Il a tourné le pilote de Bunco, mais le projet sera abandonné. Il apparaît dans des épisodes de Marcus Welby, Les Rues De San Francisco, Tax. Après 200 Dollars Plus Les Frais, il tourne encore le pilote de Gispy Warriors et celui de Boston & Killbride. Il a aussi foulé l’écran d’argent aux côtés de Mae West, John Huston, Raquel Welch.

Depuis Magnum, il a développé surtout sa carrière cinématographique (notamment Trois Hommes Et Un Bébé). Mais il est aussi apparu dans des téléfilms. Il est devenu producteur exécutif (Night Train, Plates, Revealing, Evidence, Grand Theft Hotel). Sans oublier le rôle de Richard Burke, le médecin et amant de Monica dans Friends. Et plus récemment, le rôle principal dans la série Blue Bloods.

En 1980, Tom Selleck est une figure montante à Los Angeles. Au même moment, il reçoit les propositions de Glen A. Larson et celle de Steven Spielberg et George Lucas pour incarner Indiana Jones. Plus ces derniers insistent, plus CBS veut le conserver à son service. Apparemment, la chaîne a employé des arguments convainquant. A noter d’ailleurs que l’un des derniers épisodes de la série, « A la recherche de l’art perdu », permettra à Selleck de parodier Indiana Jones en jouant un aventurier avec blouson d’aviateur, chapeau de feutre et fouet, flanqué d’une partenaire un rien gaffeuse.

Glen A. Larson soumet un premier projet qui ne convient à personne. Magnum y est dépeint comme un privé macho, un ex-agent de la CIA qui doit beaucoup à James Bond et au Dan Tanna de Vega$. Selleck n’aime pas. Il suggère de faire appel à Donald Bellissario. Il l’avait rencontré sur le pilote de Gipsy Warriors.

Bellissario a déjà travaillé avec Larson sur Galactica. Selleck lui explique qu’il ne veut pas de rôle de super-héros. Bellissario ressort un projet qu’il avait intitulé H. H. Flynn, un privé qui avait fait la guerre du Vietnam et qui roulait en Ferrari. Il appelle son détective Magnum, il invente les personnages de Higgins, TC, Rick. Et voilà le travail!

En revoyant le pilote, on y sent quand même encore l’influence de la première mouture du héros, à travers deux hôtesses que côtoie le privé dans la résidence de Robin Masters et qu’il observe prenant un bain de minuit… Mais ça ne va pas plus loin.

Le pilote débarque à la mi-saison en remplacement de Hawaï 5-0. S’il fait une bonne audience, le reste de la saison ne cartonne pas (mais c’est tout de même correct). La série explose vraiment durant la deuxième année, un succès public encore amplifié au cours des 3ème et 4ème saisons.

Malheureusement, Magnum ne résiste pas à l’effet Cosby Show et l’audience commence à chuter. A la fin de la 7ème saison, la chaîne décide d’arrêter et l’épisode « Du côté de chez Mac » permet à Magnum, devenu fantôme, de faire ses adieux au monde. Finalement, une huitième saison est signée, un peu écourtée cependant. Michelle, la femme de Magnum réapparaît durant cette saison. Pendant le dernier épisode, Magnum apprend que Lily, la petite fille que Michelle lui a confiée, est sa fille. Il demande à Higgins s’il est Robin Masters.

Pour ce dernier épisode, en mai 1988, la chaîne CBS à battu son propre record d’audience pour une série. On peut noter que la première apparition de Michelle remonte à la deuxième saison, dans l’épisode « Souvenirs ineffaçables ». C’est lors de cet épisode que les amants passent une nuit ensemble et conçoivent la petite Lily.

Magnum: les personnages

Magnum: Thomas Sullivan Magnum (Tom Selleck) est issu d’une longue lignée de militaires: son grand-père est mort durant la Seconde Guerre Mondiale et son père pendant celle de Corée. Après une enfance tranquille passée dans la petite ville de Tidewater, Virginie (ville natale de George Washington), il fait ses études à l’académie navale pour en sortir officier de la Navy.

Il exerçait ses talents dans les services secrets de la Marine (NIA). Il a combattu au Vietnam. Au bout de 10 années de service, à 33 ans, il décide qu’il est temps pour lui de s’amuser un peu. Il rencontre, dans des circonstances floues, Robin Masters, un écrivain à succès, qui le charge de la surveillance de sa propriété hawaïenne et des invités qu’il y reçoit (lui, étant toujours absent). Ce « métier » lui laisse beaucoup de temps libre qu’il passe comme détective privé.

C’est un enquêteur plutôt intuitif, mais talentueux. Magnum est, bien évidemment, bel homme, sportif (il a joué au football américain et au baseball à un niveau élevé et il adore le surf) et drôle. C’est un macho, il roule en Ferrari et court les filles. Mais, aux yeux de Higgins, il est beaucoup trop désordonné, fauché et en retard pour être adulte.

Évidemment, Magnum tombe les filles. On lui connaît deux amies, Carol Baldwin et Maggie Poole. On ne lui connaît pas de petite amie attitrée, mais il ne cesse de retrouver d’anciens flirts ou d’en trouver de nouveaux. En fait, il tombe amoureux dans la plupart des épisodes.

Mais sa femme, Michelle, supposée morte au Vietnam (dans la débâcle de Saïgon) réapparaît. Malheureusement, elle est traquée par les services secrets de l’armée. C’est pourquoi elle lui confie une petite fille, Lily. Magnum apprendra dans l’ultime épisode qu’il s’agit de sa propre fille. Certains compagnons d’armes surgissent également de temps en temps.

Higgins: dans l’esprit de Bellissario, le héros ne pouvait supporter seul le poids d’une série. Il a donc créé une bande d’amis à Magnum: Rick et Terry. Mais le personnage secondaire exemplaire de Magnum, c’est Higgins. L’Anglais est inspiré de celui qui apparaissait dans le film Guns & Balasi de John Guillermin.

« C’était un film sur un sergent-major de l’armée anglaise servant en Afrique dans les années de la décolonisation. Je me suis demandé ce que pouvait bien devenir ce petit homme de devoir, sacrifié sur l’autel de la raison d’État, après l’anecdote contée dans le film. Et j’ai ainsi trouvé mon Higgins. J’ai imaginé qu’il avait quitté l’armée britannique et était entré au service de Robin Masters. J’avais donc d’un côté Magnum peu soigneux et décontracté et de l’autre un majordome britannique très convenable et très soigné ».

Jonathan Quayle Higgins III (John Hillerman) est donc un ancien militaire qui a servi la couronne britannique sous toutes les latitudes. Il est le stéréotype même de l’Anglais: cultivé, distingué, d’une correction à toutes épreuves. Sa position de représentant de Robin Masters l’amène à fréquenter les classes sociales les plus en vues de l’île, mais il dépense aussi une grande part de son temps pour des œuvres de charité. Il a une quantité impressionnante de hobbies et d’activités qu’il exerce toutes avec autant de compétence: le fleuret, les échecs, la culture des orchidées, la photographie, l’art dramatique, l’archéologie…

Il est flanqué de demi-frères, résultats des frasques de son père. Il ne s’entend pas du tout avec eux. Pour plusieurs épisodes, John Hillerman a d’ailleurs joué le rôle de son propre demi-frère, Elmo Ziller. De mémoire: il est Elmo dans « Un vrai professionnel » et de nouveau brièvement dans « Luther Gillis ».

Il est également le Père Paddy McGuinness (avec un nom pareil, on devine un Irlandais pur et dur…) dans « Ballade irlandaise » et Don Luis Mongueo (un Espagnol) dans « Échec au Président » (je cite de mémoire, le titre original est beaucoup plus long). A la fin de « Ballade irlandaise », il est même question d’un autre demi-frère, conçu au Pays du Soleil Levant, mais qu’on ne verra jamais.

Il a deux chiens nommés Zeus et Apollon que la jeune Irma (dans l’épisode « La dette ») a rebaptisé Popeye et Pluto 2. C’est une des rares fois où ils n’ont pas obéi à leur maître, à son grand désarroi.

Pensé comme l’exact contraire de Magnum, leur association ne manque pas de faire des étincelles, mais en fait, ils s’adorent.

John Hillerman a commencé au théâtre sur Broadway. Il est aussi apparu au cinéma. Pour la télévision, il a tenu le rôle vedette dans Ellery Queen et il était John Elliot dans The Betty White Show. Il a été invité sur un nombre impressionnant de séries: One Day At A Time, Sur La Piste Du Crime, Le Sixième Sens, Mannix, La Petite Maison Dans La Prairie, Kojak, Maude, Hawaï Police D’État, Serpico, Embarquement Immédiat, La Croisière S’Amuse, A New Kind Of Family, Soap, Pour L’Amour Du Risque, Timide Et Sans Complexe, Lou Grant et Nobody’s Perfect… Ouf!

Terry (Roger E. Mosley): il est connu sous le nom de TC dans la version originale. Son signe distinctif, c’est son hélicoptère. Il est d’ailleurs présenté comme ça dans le générique. Il était pilote d’hélicoptère au Vietnam. C’est le moyen de transport idéal dans les îles de l’archipel et il a d’ailleurs créé une compagnie de transport aérien (fret ou passager), la Island Hoppers. Magnum s’en sert fréquemment dans ses enquêtes.

Terry aime, lui aussi, le sport. Il a gagné quelques championnats de boxe dans la Marine. Il est aussi entraîneur de base-ball. Pendant la guerre du Vietnam, il a connu une grande passion avec une chanteuse, mais après la guerre il est revenu vers sa femme, Tina. Il est le père de deux enfants: Bryan et Melody.

« TC » correspond aux initiales de son nom, Theodore Calvin. Notons, en plus, qu’il a laissé sa famille sur le continent parce qu’il n’a jamais réussi à reprendre une vie normale après la guerre. Poursuivi par des cauchemars récurrents qui empoisonnaient sa vie de famille, il est parti s’installer à Hawaï.

Roger E. Mosley est aussi passé dans pas mal de séries avant d’obtenir ce rôle dans Magnum. Sanford & Son, Baretta, Sharper Than A Serpent’s Tooth, The Rookies, Delvecchio, 200 Dollars Plus Les Frais, Paris, Starsky & Hutch l’ont accueilli le temps d’un rôle. Il a tourné quelques films de cinéma et des téléfilms.

Rick/Orville Wright (Larry Manetti): il a lui aussi fait un passage par l’armée, il était mitrailleur à bord d’un hélicoptère (celui de TC, évidemment). Il a eu une jeunesse agitée dont il a gardé des relations avec la pègre. Il est d’ailleurs entré à l’école militaire grâce à un gangster surnommé « Pic à glace », un ami de son père.

Magnum se sert fréquemment des relations de son ami pour boucler ses enquêtes. Rick aime d’ailleurs beaucoup aider Magnum notamment, en se déguisant… Quoique… Plusieurs fois, il aimerait autant ne pas se déguiser, par exemple quand il doit porter une perruque et des vêtements de femme.

Il a été directeur du Rick’s Café Américain, une boite de nuit fréquentée par le milieu. Son surnom provient du film Casablanca. Humphrey Bogart y incarne Richard Blaine (Rick), le patron d’un night club dans la cité marocaine pendant la seconde guerre mondiale.

Malgré les réticences de CBS, le personnage gardera ses accointances avec le milieu et son surnom. Mais il devra fermer son night club. Il ouvrira alors un club sur la plage, le King Kamehameha Club. Robin Masters en est le copropriétaire. Higgins fait, d’ailleurs, partie du conseil d’administration, ce qui a son importance, notamment lorsqu’il veut en interdire l’accès à Magnum! Et puisqu’on en est aux détails, le Rick’s Café Américain (en français dans le texte) porte le même nom que le bar de Rick dans Casablanca.

Le père de Rick est mort, ainsi que sa mère. Rick a une sœur, qui sera tuée lors de sa visite à Hawaï (dans l’épisode « Distant relative », « Petite sœur » en français). Notons, là encore, que Orville Wright est le nom d’un des frères Wright, pionniers de l’aviation. Quand on connaît l’importance des avions et autres engins volants dans les séries de Bellisario, ça a son petit intérêt…

Provient aussi de Casablanca, son look (costume blanc), qu’il perdra dès les épisodes de la saison 1 mais qu’on lui fera reprendre à l’occasion (« On dirait Bogart », dira Terry dans « Tout au dernier vivant » – « Est-ce le bruit du canon ou le battement de mon cœur? » dira sa partenaire de « La roue de la fortune » en dansant avec lui sur As Time Goes By – et encore dans « Le passé au présent »).

Dans le pilote, il dit aussi à son pianiste afro-américain la fameuse phrase que Bogart ne prononce pas dans Casablanca mais qui est pourtant restée attachée au film au point que Woody Allen en a fait le titre d’un de ses hommages: « Play it again, Sam ». A ce propos, le pianiste répond à Rick: « Je ne m’appelle pas Sam. Mon vrai nom, c’est Al ». Al et Sam, ça fait un peu Code Quantum, neuf ans avant le lancement de cette série, non?

Larry Manetti était connu de Glen A. Larson et de Donald Bellissario avant de faire Magnum. Il était passé en guest dans Galactica et reviendra dans Code Quantum. Il a aussi joué dans Chase, Switch, The Walking Bomb, The Honorable Profession, Les Rues De San Francisco, L’Ile Fantastique, Narnaby Jones, Quincy, 200 Dollars Plus Les Frais. Il a tenu le rôle du lieutenant Boyle dans Les Têtes Brûlées et celui de Joe Cadillac dans le film The Duke et la série qui en a été tirée.

Robin Masters: il est un écrivain à succès. C’est un homme mystérieux, présent dans chaque épisode par la biais du téléphone ou dans la bouche d’un personnage. De plus, c’est souvent lui qui renseigne Magnum à ses connaissances. Cette hyper-présence dans le discours contraste encore plus avec son absence à l’image. Il n’apparaît que quelques fois dans la série et de dos, par exemple dans « La fouineuse » (saison 1) et plus tard dans « Quitte ou double ». Ce rôle tronqué était joué par Bruce Atkinson.

C’est Orson Welles qui a prêté sa voix au milliardaire (en VO). Dans « Ascenseur pour nulle part », Magnum émet l’hypothèse que Robin Masters n’est autre que Higgins. L’Anglais avoue avant de se renier… Le mystère reste entier. Notez que Magnum a dû rencontrer Robin Masters puisque celui-ci l’a engagé pour surveiller sa propriété. N’est-il pas imaginable qu’il l’ait vu à cette occasion? Hypothèse: le Robin Masters de Magnum, ne serait-il pas le Charlie de Drôles De Dames? Ou son frère jumeau alors?

Personnages semi-réguliers: le lieutenant Tanaka, le lieutenant Maggie Pole, Pic à Glace, Mac et Carol Baldwin (assistante du district Attorney). Donald Bellissario aimait beaucoup jouer sur les personnages secondaires semi-réguliers. Les scénaristes n’ont pas hésité à en reprendre certains et à les peaufiner. Ce qui donne parfois lieu à des épisodes d’anthologie. Par exemple, quand Luther Gillis au tempérament expéditif collabore avec Magnum, ils prennent successivement la voix off.

On peut citer aussi Agatha Chumley, amoureuse de Higgins et qui est d’abord apparue sous le nom de Mabel (dans « Mad Buck » et « Mau Mau »), mais aussi en tant que réceptionniste d’un club privé dans « Un vrai professionnel », avant de devenir vraiment Agatha. On pénètre même dans son home douillet à l’occasion de l’épisode « Prémonitions, partie 1 ».

Magnum versus Higgins

Magnum P.I. est avant tout une série policière, nul ne me contredira. Mais le succès du programme s’appuie aussi sur l’humour omniprésent. J’ai déjà parlé de la voix-off par laquelle Magnum se moque de lui-même ou de la situation. En parlant d’humour, je ne peux évidemment pas faire l’impasse sur le duo Magnum-Higgins. Ils ont tous deux des pantalons courts et un certain humour, mais leurs points communs ne s’arrêtent pas qu’a cela et c’est ce qui rend leur relation intéressante.

Tous les deux sont marqués par leur passé, guerrier et amoureux (Magnum à Michelle, Higgins à Lady Ashley, que l’on voit à la fin de « Un ordinateur pour deux » et plus longuement dans « Prémonitions », où il est même question de mariage).

Tous les deux portent en eux une blessure due à l’absence du père: Magnum parce qu’il l’a perdu pendant la guerre de Corée, Higgins parce qu’il s’est détaché de lui et souffre de cette séparation. A la fin de « Déjà vu », Magnum enlève Higgins lors d’un séjour en Angleterre, pour l’emmener de force chez son père et les pousser à se réconcilier. On notera que, de même que Scott Bakula joue son propre père dans Code Quantum et David James Elliott le sien dans JAG, c’est John Hillerman qui interprète le rôle de son père.

Magnum et Higgins sont les symboles de modes de vie, de conceptions du monde, de cultures, de classes sociales complètement différents. Les faire cohabiter, c’était s’exposer à quelques étincelles. Ils ne cessent de se chamailler, de se taquiner. C’est souvent à qui aura le dernier mot (en cela aussi Magnum est un grand enfant, mais Higgins ne vaut guère mieux). Concrètement, la lutte s’est centrée sur le partage du territoire. La cave à vin, par exemple, est jalousement protégée par Higgins ce qui motive encore plus Magnum à y pénétrer.

La Ferrari est ainsi l’objet de chantages et de tractations constantes. Un épisode, « Ascenseur pour nulle part », est entièrement construit sur une dispute envenimée à la suite de représailles successives. Higgins a légué à une œuvre de charité les reliques de Magnum (y-compris son masque de gorille). Magnum a fait sauter le pont de la rivière Kwaï de Higgins. La fin de l’épisode démontre, si on ne l’avait pas compris, que les deux hommes ne peuvent rester longtemps fâchés et qu’en fait, une amitié assez profonde les uni. Ils se respectent et s’estiment beaucoup. Le « Mon p’tit bonhomme » de Magnum et le « tout cela est magnumesque » de Higgins sont des marques d’affections.

Les jeux de John Hillerman et de Tom Selleck conviennent complètement aux rôles. Hillerman parvient à faire ressortir la rigidité de Higgins sans le rendre ridicule. Selleck a développé un éventail de mimiques (sourire figé, clignements de sourcils) qui ont un effet radical.

A côté du duo composé de Magnum et d’Higgins, se place un second groupe comique: celui de Magnum, Rick et Terry. Un gag récurrent, surtout, a fait le bonheur des téléspectateurs. Pendant toute une période, les deux amis de Magnum ont souvent été obligés de l’aider contre leur gré. Ils commencent par refuser d’aider Magnum, mais ils finissent toujours par se laisser entraîner. Avec ces trois personnages, les scénaristes vont également utiliser tout l’attirail comique disponible: quiproquos, comédie du mariage, humour noir, clin d’œil référentiel, gag burlesque…

Enfin, la chute comique constitue aussi un élément important de la série, un gimmick. Par exemple, quand Magnum donne la solution d’une définition difficile d’un mot croisé du Times à Higgins et que ce dernier nous quitte en avouant qu’il l’a bluffé. Ou quand Higgins s’éclipse en laissant Magnum parler tout seul. On le voit, Magnum sans humour, c’eut été comme Magnum sans chemise à fleurs!

Structure d’un épisode de Magnum

  • Teaser: Quelques clichés de l’épisode
  • Générique: Pour le pilote les images étaient encadrées par le symbole de la chevalière que portent les trois amis. Mais au-delà de cet épisode, cette référence sera abandonnée. Les personnages y sont représentés par leurs traits caractéristiques (Magnum et sa Ferrari, ses haussements de sourcils, Terry et son hélicoptère, Rick au bord de la mer, puis déguisé). Les noms des acteurs invités, en guise de post-générique, assurent la transition avec l’épisode.
  • Le téléspectateur assiste soit au meurtre ou à un méfait: soit l’un des personnages est en relation avec un élément clé de l’histoire à venir. Magnum est lui-même souvent en rapport étroit avec la situation (par les relations qu’il entretient ou entretenait avec les protagonistes, par les thèmes abordés, etc…) L’épisode ne s’attache qu’à l’histoire de l’enquête, délaissant celle du crime.
  • Déclenchement de l’enquête: Quelqu’un fait appel à Magnum ou il décide d’enquêter sur quelque chose qui l’intrigue.
  • Enquête: On assiste généralement à une enquête, à quelques exceptions près. Dans « Record battu », le héros est entraîné au large par des courant et voit sa vie défiler (voir ci-dessous). Magnum ne procède pas par recherches déductives, mais il se base souvent sur son intuition (étonnamment toujours bonne). Les indices ne sont pas nombreux, mais quand ils existent, ils sont plutôt visibles (du moins pour le téléspectateur par l’utilisation de gros plans, etc…). Il arrive que Magnum soit confronté à l’un ou l’autre adversaire bagarreur ou à une scène d’action. Cependant, comparé à d’autres séries de l’époque, l’action n’est pas si présente que cela. Elle n’est, en tous cas, pas le « clou du spectacle » ou l’élément déterminant comme dans L’Agence Tous Risques. Magnum, c’est plutôt le privé de la ruse.
  • Résolution de l’enquête: un déclic se produit chez Magnum grâce à une intuition (encore!) et il parvient à serrer les malfaiteurs.
  • Chute comique: Elle est toujours présente, même si quelque chose de dramatique survient (par exemple, la perte d’un ami pour Magnum). Elle se déroule généralement dans la maison de Robin Masters ou dans le bar de Rick et met en scène les quatre personnages principaux (mais celles impliquant Magnum et Higgins sont évidemment les plus célèbres). Cette chute est quand même absente de certains épisodes, dont la conclusion est plus grave. A la fin de l’épisode « Avez-vous vu le soleil se lever? », qui ouvre la troisième saison et voit mourir Mac Reynolds, un ami de Magnum, ce dernier abat froidement le colonel Ivan, un ancien tortionnaire communiste qu’il a déjà rencontré au cours de la guerre du Viêt Nam. A la fin de « Raison d’état », qui voit le héros renoncer à sa vengeance envers les démons du passé, on voit Magnum s’éloigner sur sa voix off. Pas de pirouette.

Quelques épisodes intéressants

  • « Record battu »: Magnum est entraîné au large par un courant traître. Il est ballotté sur sa planche de surf sans pouvoir revenir vers la côte. Ses amis vaquent à leurs tâches habituelles et ne s’aperçoivent pas de l’absence de Magnum. Magnum se remémore alors divers épisodes de sa vie relatifs à son enfance et à son père. Quatre actions sont montées en parallèle et mêlées de flashback. C’est un épisode limpide et sobre qui parvient à un degré dramatique et émotionnel assez rare.
  • « Le témoin »: Le bar de Rick a été le théâtre d’un hold-up. Rick, Higgins, TC et Magnum doivent témoigner auprès du lieutenant Tanaka. On voit la scène selon leur point de vue. Lequel raconte la vérité? Lequel a réellement tenu le beau rôle.
  • « Celui qui se prenait pour un autre »: Patrick Macnee (John Steed dans Chapeau Melon Et Bottes De Cuir) est un agent secret qui se prend pour Sherlock Holmes. Il entraîne Higgins dans une enquête à la Conan Doyle.
  • « Meurtre dans la nuit »: il s’agit d’un épisode qui se passe dans les années ’40, à la manière d’un film noir. On apprend à la fin qu’il s’agit d’un roman écrit par Magnum.
  • « Le Dieu poison »: cross-over avec Simon & Simon.
  • « Magnum à la une »: cross-over avec Arabesque.
  • « Folie tropicale »: Jennifer Chapman préfère Higgins à Magnum.
  • « Lettre à une duchesse »: Lady Wilkerson préfère Magnum à Higgins.

Magnum et le Viêt Nam

La guerre du Viêt Nam est présente dès le pilote par des flashbacks, mais l’élément est présent de manière plus ou moins diffuse dans toutes les saisons. La guerre explique bien sûr l’amitié qui lie Magnum, Rick et Terry. C’est pourquoi le premier épisode y fait allusion (cela explique la situation présente, une des fonctions d’un pilote, tout de même).

Le Viêt Nam est également un réservoir de scénarios qui permet de diversifier un peu les intrigues. Magnum est un policier, mais cela n’empêche pas certains épisodes d’être plus un « retour sur le passé ». L’arc narratif sur Michelle est l’une des concrétisation de cela.

Il est aussi fréquent que l’un ou l’autre personnage appartienne à l’armée. Parfois, il s’agit de personnes qui ont déjà croisé le chemin de Magnum pendant son service ou pendant la guerre (Joey, Kate Sullivan, Karen Harmon, etc…). La plupart de ces militaires sont marqués. Ils ont du mal à se réinsérer. Le conflit a occasionné chez eux des blessures que le temps a mal cicatrisées. Même Rick, Terry et Higgins souffrent de ce passé.

A ce sujet, Magnum P.I. est une série d’avant-garde. La chaîne a beaucoup hésité avant d’accepter cette dimension des scénarios. Certains épisodes ont choqué l’Amérique. C’est que le pays de l’Oncle Sam n’est toujours pas remis de cette guerre et que le conflit du Viêt Nam est toujours un sujet tabou. Quelques années plus tard, un film comme « Né Un 4 Juillet » d’Oliver Stone devra aussi se battre contre le scandale (c’est dire au début des années ’80).

Mais c’est aussi un élément qui fait le succès de Magnum. La série a drainé un public qui était prêt à entendre certaines choses, il a aussi attiré les spectateurs que le scandale amuse. La série était donc l’occasion d’offrir un regard critique aux Américains (un des premiers regards critiques).

Magnum et l’univers du polar

La voix-off était un procédé utilisé par les films noirs des années ’30-’40. C’est l’équivalent de la narration à la première personne pour les romans. Ses fonctions sont de plusieurs ordres dans la série.

D’abord, elle permet de relier de manière claire et logique certaines péripéties de l’épisode. Grâce à elle, le téléspectateur a accès aux sentiments et aux pensées de Magnum (ça a un côté « journal intime »).

Enfin, cela permet aussi une prise de distance par rapport à l’événement puisque le privé ne manque pas de faire des commentaires (souvent teintés d’humour) sur les aventures qu’il traverse.

Au niveau visuel, la voix-off est souvent accompagnée d’un regard à la caméra. Magnum s’adresse ici au téléspectateur. Parker Lewis Ne Perd Jamais utilise également ce procédé qui montre que le personnage est conscient d’être observé. Dans une série comme Clair De Lune, une étape supplémentaire est franchie puisque les personnages sont conscients qu’ils évoluent dans une fiction (et qu’ils le disent par la même occasion).

Dans Magnum, ce jeu avec les codes de la fiction existe aussi, mais de manière bien moins visible. Dans « Le fantôme de la plage », par exemple, deux personnages jouent une scène comme s’ils répétaient une pièce de théâtre, le script en main.

Au début de « Dans la peau », une actrice répète une scène et le script du film porte le titre de l’épisode « Skin Deep, written by Donald P. Bellisario« . Dans « La prisonnière de la tour » et « Œil pour œil », le dénouement a lieu sur une scène de théâtre et les spectateurs prennent les événements dramatiques réels pour une représentation. A l’exception du dernier, écrit par Robert Hamilton, tous ces épisodes sont écrits et/ou réalisés par Bellisario lui-même.

Magnum est un détective privé, on ne peut s’empêcher de penser aux romans policiers du début des années ’30. Mais il n’a pas grand chose à voir avec les durs à cuir de cette époque du « Hard Boiled Dicks » (Luther H. Gillis, de Saint-Louis, Missouri, en étant l’archétype). A noter aussi l’épisode « L’orchidée noire » (saison 1, écrit par Robert Hamilton), où cette image du privé héritée du cinéma et de la littérature est parodiée et mise en contraste avec la nature plus dilettante de Magnum.

En télévision, Starsky & Hutch sont passés par là et Magnum s’apparente plus à un Jim Rockford. Le héros de 200 Dollars Plus Les Frais avait lui aussi une vision plus nonchalante de la vie, un regard teinté d’humour mêlé à un sens de la justice assez développé. Magnum est resté un gamin. Il jouit des plaisirs de la propriété de Robin Masters (de sa Ferrari notamment), il fait du sport, est un bon vivant. Mais cela ne l’empêche pas d’être un détective habile et talentueux.

Magnum est donc assez éloigné de ses comparses du roman noir. Cependant, il reste quelques séquelles du modèle. Mis à part l’utilisation de la voix-off, ses enquêtes révèlent le monde. Les thèmes abordés sont la drogue, la trahison, les enlèvements… Comme dans toute bonne série américaine. Parfois Magnum s’offre même quelques « scandales » quand il montre les blessures que la guerre du Viêt Nam a pu laisser dans l’inconscient collectif (voir ci-dessus).

Magnum, le film ?

Ben oui, c’est la mode. Et la rumeur s’est parfois répandue que Hollywood se tournerait bien vers le détective à la chemise fleurie. Déjà, dans le Série Mania n°20, Tom Selleck laisse peu d’espoir à ceux que l’idée plaisait. « Je n’ai plus guère envie que l’on m’identifie à lui, ni de revenir sur un passé dont je ne renie rien, mais qui, justement, fait pour moi définitivement partie du passé. C’était un show, c’était une bonne équipe, c’était un bon rôle et, de loin, le héros que je préfère, mais pourquoi y reviendrais-je? ».

A une question directe sur l’éventuelle existence d’un film, Tom Selleck a répondu: « A plusieurs reprises, quatre exactement, Universal m’a proposé un nouveau projet adapté de la série. A chaque fois, je n’ai pas trouvé ça très bon et, en plus, de moins en moins crédible car je vieillissais. J’avais déjà 43 ans à l’arrêt de la série, aujourd’hui j’en ai 55, il est définitivement trop tard! ». Ça a le mérite d’être clair!

Critique

Alors, alors! A l’accusation de programme fabriqué pour faire de l’audience, notamment en ciblant le public féminin grâce aux atouts de Tom Selleck, Magnum plaide coupable! A l’accusation d’être un divertissement facile sans psychologie hyper-fouillée (manichéisme gentils-méchants), Magnum plaide coupable! A l’accusation de rêve américain (voitures rapides, filles blondes, soleil et Hawaï pour par un balle), Magnum plaide coupable! A l’accusation d’être un programme marrant et sans volonté éducative, Magnum plaide coupable!

Mais Magnum n’est pas Homicide! Le but des créateurs n’a jamais été que de dépeindre la vie d’un privé d’Hawaï. Et si on regarde les buts visées par le show, Magnum est-il si à côté de la plaque que cela?

Et on ne peut résister au plaisir de citer Magnum lui-même dans une scène de « Hôtel Dick » c’est « un de ces feuilletons idiots, avec un grand privé à Hawaï, qui a peur des chiens et qui n’a jamais un sou en poche ». Vous y croyez, vous?

Dossier préparé avec l’aide précieuse de Thierry Le Peut du fanzine Arrêt Sur Séries.

En quelques mots...

Sarah Sepulchre
Alexandre Marlier
Sophie Sourdiaucourt
Tilman Villette

Avis global

Il a une moustache, une Ferrari, un pote qui a un bar et un pote qui a un hélicoptère. N'en déplaise à Higgins, apparemment, c'est tout ce dont il a besoin pour résoudre ses enquêtes.

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Magnum

Le Podcast

Intervenants: Sarah Sepulchre et Alexandre Marlier.

Durée: 27’29 min.

La Fiche Série

Titre Original:
Magnum, P.I.
Durée:
161 épisodes de 50 minutes, soit 8 saisons + 1 épisode pilote de 90 minutes
Pays d’origine:
USA
Chaîne(s) de 1ère diffusion:
CBS
Période(s) de diffusion:
Du 11 décembre 1980 au 1er mai 1988.
Genres:
Policier
Créé par:
Donald P. Bellisario, Glen A. Larson
Producteurs exécutifs:
Donald P. Bellisario, Glen A. Larson, Tom Selleck
Produit par:
Belisarius Productions, Glen A. Larson Productions
Tom Selleck:
Thomas Sullivan Magnum IV
John Hillerman:
Jonathan Quayle Higgins III
Larry Manetti:
Orville « Rick » Wright
Roger E. Mosley:
Théodore « Terry » Calvin
Jeff MacKay:
Lieutenant Mac Reynolds
Jean Bruce Scott:
Lieutenant Maggie Poole
Gillian Dobb:
Agatha Chumley
Kwan Hi Lim:
Lieutenant Tanaka

Articles Connexes

Bibliographie

  • Génération Séries, n° 15, automne 95.
  • MANETTI, Larry & Chip SILVERMAN, Aloha Magnum : Larry Manetti’s Magnum P.I. Memories, New York, St. Martin’s Press, 1999, 272 pages, 25 photos.
  • SHERER, Brigitte, Thomas Magnum und die Frauen, Produktion und Rezeption des US-series, Konstanz, UVK Medien, 2000, 469p.

Crédits Photos:
Belisarius ProductionsGlen A. Larson Productions

Sarah Sepulchre

Sarah Sepulchre est professeure à l’Université de Louvain (UCL, Belgique). Ses recherches portent sur les médias, les fictions, les cultures populaires, les gender studies et particulièrement sur les représentations, les liens entre réalité et fiction. Sa thèse de doctorat était centrée sur les personnages de séries télévisées.
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