Lone Ranger, Naissance D’Un Héros
Quand Walt Disney Pictures annonce en 2010 un nouveau projet cinématographique avec à la production Jerry Bruckheimer, aux commandes Gore Verbinski, et Johnny Depp et Armie Hammer devant la caméra, la plupart d’entre-nous s’attendait à voir un énième opus de la saga « Pirates Des Caraïbes » larguer les amarres dans les salles obscures. Que nenni! Ce sera en fait pour une adaptation au goût du jour du « Lone Ranger »!
Je sens vos regards perplexes et j’entends le bruit de vos méninges essayant de se souvenir de qui il peut bien s’agir. Ne cherchez plus, si le « Lone Ranger » est une icône de la pop culture américaine, il n’est que très peu connu en Europe. Le personnage, issu à la base d’un feuilleton radiophonique écrit par Fran Striker en 1933, puis d’une série télévisée diffusée de 1949 à 1957, est un ancien Texas Ranger masqué luttant contre l’injustice, en compagnie de son fidèle acolyte, l’Amérindien Tonto et de son cheval blanc Silver.
Après avoir investi pendant 8 décennies la radio, la télévision, les romans, le monde de l’animé, les Comics, mais également le cinéma en 1956 et 1958 ainsi que les jeux vidéos dans les années ’90, le « Lone Ranger » refait donc surface dans les salles obscures pour un lifting assez inattendu et doté d’un budget faramineux de 215 millions de dollars.
Quelques semaines plus tard, le film est auréolé d’une critique assez désastreuse et plafonne à 90 millions de dollars de recette sur le sol américain. Petite consolation, il se remboursera à peine grâce au marché international et à sa sortie vidéo. Comment expliquer un tel échec, véritable claque pour la maison de Mickey et son équipe 4 étoiles aux commandes?
Tout d’abord la comparaison inévitable en amont avec le succès de la saga des « Pirates » a probablement porté préjudice au film. De ceux déplorant un futur « Pirates des Caraïbes » à la sauce western sans aucun originalité, aux déçus sortant des salles ayant eu droit à un résultat sensiblement différent, probablement peu de spectateurs furent contentés.
Dans le même ordre d’idées, « The Lone Ranger » apparaît comme un film quelque peu malade, mixant allègrement deux conceptions antinomiques de son sujet: la comédie d’action enfantine tendance pouêt-pouêt avec grimaces et grimages à l’appui, et le western violent brut de décoffrage. J’aurais personnellement donné cher pour voir la tête de certains bambins lors des très gores scènes de cannibalisme!
S’il faut bien reconnaître une chose à ce « Lone Ranger », c’est qu’il ne caresse que peu souvent son audience dans le sens du poil. En chamboulant l’idée préconçue, de nombreux westerns, des gentils blancs et des méchants Indiens, ainsi qu’en illustrant de manière acide la course à l’argent entourant les constructions de chemins de fer, le scénario décortique sans l’air d’y toucher tout un pan de cette période trouble des Etats-Unis, en appuyant régulièrement là où ça fait mal. Pas étonnant dès lors que nombre d’Américains n’aient que modérément apprécié cette vision d’un passé peu glorieux.
Pourtant, l’ensemble, s’il ne manque pas de fond, développe également un humour régulièrement savoureux. Si un véritable grief pouvait être reproché au film, cela tiendrait plutôt de son absence de rythme et à une durée de 2 heures 30 absolument injustifiée. Les scènes d’action, finalement peu nombreuses mais magnifiées par la maestria visuelle de Verbinski, se voient ainsi diluées sur de longues minutes et finissent par épuiser la rétine.
Mal monté, mal marketé et probablement trop bizarre pour réellement plaire, « The Lone Ranger » ne mérite toutefois par sa réputation de purge puérile. Pour boucler la boucle, il est d’ailleurs amusant de constater que le film fut majoritairement reçu en Europe avec plus de bienveillance que dans la mère patrie de son héros. Mais ne dit-on pas que nul n’est prophète en son pays?
Une chose reste certaine, c’est que face à l’accident industriel, nous n’avons que peu de chance d’assister à l’éclosion d’une nouvelle saga…
En quelques mots...
Tilman Villette
The Lone Ranger
Véritable four au box-office, "The Lone Ranger" est un blockbuster aussi boursouflé qu'audacieux par intermittences. Un film éreintant qui n'est pourtant pas le bousin que beaucoup ont voulu faire croire.