Desperate Housewives
Desperate Housewives, cette série créée par Marc Cherry et qui débarque en 2004 sur ABC pour conquérir un public féminin, met en scène le quotidien mouvementé de 4 femmes vivant dans une banlieue chic. Mais je ne pense devoir vous en dire davantage sur cette série que vous connaissez déjà tous.
Revenons maintenant à l’excellent générique d’ouverture de cette série qui fait référence à un grand nombre de documents iconographiques. Car en effet, le générique de Desperate Housewives est un détournement de quelques oeuvres marquantes de l’Histoire de l’Art, des oeuvres qui mettent en scène des femmes et leur évolution au cours du temps.
Ce générique travaillé est une idée de Marc Cherry qui a souhaité, grâce à cette séquence, introduire les personnages, leur environnement, et jouer, dans l’esprit de la série, avec le rôle traditionnel de la femme dans la société.
Analysons à présent les différentes séquences du générique. La première scène est inspirée d’un tableau de Lucas Cranach l’Ancien, un peintre du 15ème siècle, qui représente Adam et Eve dans le jardin d’Eden, Eve ayant une pomme à la main. Dans la version biblique, c’est Adam qui mord dans le fruit défendu, mais le générique nous montre une toute autre version puisque c’est Eve qui croque ici dans la pomme, alors qu’Adam se fait écraser par une pomme géante. La femme est donc la tentatrice et l’homme la victime de son péché. Le ton est donné. Nous avons affaire à une ré-interprétation de l’histoire de l’Humanité du point de vue de la femme.
La suite du générique nous plonge dans l’univers de l’Égypte antique. Nefertari, reine et épouse du pharaon Ramses II est ici représentée entourée d’une multitude d’enfants tellement envahissants qu’ils finissent par la faire tomber.
La troisième scène nous montre l’époque de la Renaissance puisqu’il s’agit d’un tableau de Jan Van Eyck, peintre flamand, intitulé « Les Epoux Arnolfini ». Sur ce tableau la femme à l’air soumise et dévouée, elle baisse les yeux. A l’arrière plan on remarque un petit balai. Nous avons donc ici une femme vouée à une désespérante vie de ménagère. Dans la version détournée par la série, la femme se sert de ce balai pour nettoyer la peau de banane que jette négligemment son mari par terre. Ce qui est intéressant, c’est que les coups de balai donnés par le femme finissent par faire sortir petit à petit le mari du cadre de l’image, comme si les tâches ménagères étaient une arme de vengeance.
Nous plongeons ensuite dans une oeuvre de Grant Wood: « American Gothic ». Ce tableau est un hommage aux fermiers protestants du Middle West américain et représente un couple peu accueillant: l’homme tient une fourche dans la main, ce qui fait office de barrage à toute intrusion extérieure. Ce barrage peut aussi être dressé entre sa femme et d’éventuels séducteurs. Dans le générique, c’est l’homme qui sera séduit par une pin-up qui débarque à l’écran. Sa femme, moins attirante, se fait alors enfermer dans une boîte à sardines.
Cette boîte à sardines va suivre dans la séquence prochaine séquence, et va se retrouver dans les bras chargés d’une autre ménagère. Nous sommes ici dans la représentation de la femme sur une affiche de propagande de la 2ème guerre mondiale de Dick Williams. Cette publicité ayant pour slogan « je suis fière de combattre la famine » avait pour but d’inciter les femmes à faire des provisions pour éviter tout risque de pénurie pendant la guerre. Dans le générique, la femme laisse tomber une boîte de Campbell’s Tomato Soup. Cette illustration d’Andy Warhol va à son tour atterrir dans une nouvelle séquence.
Nous sommes donc ensuite dans une image totalement pop-art, le mouvement artistique des années ’60 qui puise son inspiration dans la société de consommation et les bandes dessinées. Deux oeuvres de Robert Dale sont ici détournées afin de montrer que la situation de la femme a évolué, le romantisme du couple se transforme en dispute conjugale au cours de laquelle la femme donne un coup de poing à l’homme. La femme ne se laisse donc plus faire et se révolte!
Nous arrivons alors à la fin du générique de Desperate Housewives qui se termine comme il a commencé: nous retrouvons nos 4 héroïnes dans le jardin d’Eden, une pomme à la main. Vont-elles croquer la pomme ou non? C’est la question que tout le monde se pose et qui va lancer la série. Ce générique dresse donc non seulement un portrait de la femme au foyer à travers le temps, mais il nous montre également les différents types de femmes, de l’épouse soumise à la femme rebelle, en passant par l’épouse surpuissante.
Mais comme je vous le disais plus tôt, cette présentation de la femme est aussi une manière d’introduire les personnages de la série: Susan est représentée par Eve. Elle est gentille en apparence, mais au final elle écrase les hommes. Nefertari, et ses nombreuses enfants, fait référence a Lynette qui abandonne sa carrière professionnelle pour se consacrer à ses enfants turbulents, ou encore Bree l’épouse en apparence parfaite et obéissante qui est représentée par l’oeuvre de Jan Van Eyck.
Un générique qui a donc du donner du fil à recoudre à son créateur car il va s’en dire qu’il a du demander beaucoup de recherches. Desperate Housewives est une série qui a été beaucoup suivie par les téléspectateurs mais aussi beaucoup critiquée. Il faut pourtant bien avouer que son générique, lui, est très réfléchi et des plus réussis. Et bien qu’il soit dommage que la version longue du générique ait été abandonnée au bout de trois saisons pour laisser la place à un mini générique de quelques secondes, nous ne pouvons que féliciter ce travail.
En quelques mots...
Cindy Willeme
Alexandre Marlier
Desperate Housewives
Générique réfléchi qui met en scène l'évolution des femmes au cours du temps par le détournement de certaines oeuvres de référence. Du très beau travail!