Twin Peaks
Vous êtes vous déjà demandé quelles symboliques se cachent dans le générique de Twin Peaks. Est-ce que les thèmes récurrents chers à David Lynch y transparaissent? La réponse est oui, assurément! Petit retour en arrière, en 1986. Dans la scène finale du film Blue Velvet de David Lynch, on peut voir un rouge gorge perché sur le rebord d’une fenêtre, un insecte dans son bec. L’animal est présent tout au long du film et cette dernière apparition marque la fin des événement cauchemardesques et surréaliste vécus par les personnages de la petite ville où se déroule l’action.
L’image de cet oiseau dans un paysage bucolique décalé a été revisitée quatre ans plus tard par Lynch, cette fois dans le générique de sa série devenue culte depuis Twin Peaks, co-créée avec Mark Frost. Le générique s’ouvre donc sur un plan d’un troglodyte de Bewick, une espèce d’oiseau nord-américaine. Rapidement, un fondu entre deux plans nous fait basculer sur une usine puis sur des machines en action. Nous sommes dans une scierie.
On passe ensuite à un panneau d’entrée de ville, comme il en existe des centaines aux Etats Unis. Nous sommes à Twin Peaks, population : 51.201. Au départ Lynch et Frost y avaient prévu 5.201 habitants afin de représenter une petite communautés, mais ABC, qui diffuse la série, trouvera ce nombre trop rural et trop clivant. Et contraint donc les créateur à accroître le nombre d’administrés de Twin Peaks.
Le titrage débute lors d’un crescendo de la musique New Age éthérée et hypnotique qu’Angelo Badalamenti a composé pour la série. Colorées d’un pourtour en vert néon, les lettres grasses de couleur brun terreux accompagnent assez justement la machinerie industrielle rustique et la forêt de pins de Douglas qui dominent la séquence.
Alors que les transitions lentes entre les images paysagères confèrent un sentiment de tranquillité, l’ambiance générale de la séquence donne pourtant un sentiment de sinistre ou d’une présence surnaturelle.
Lynch utilise la séquence titre pour explorer une thématique qui se retrouve dans une grande partie de ses oeuvres: la fausse sérénité des petites villes d’Amérique. Faut-il rappeler que la série est centrée sur la découverte que l’une des habitantes de Twin Peaks les plus aimées, la reine du lycée Laura Palmer, a été brutalement assassiné. La cité va devoir fouiller dans ses entrailles et les sales petits secrets de ses habitants afin de tenter d’éclaircir ce mystère.
Lynch et Frost savent combien il est important de mettre rapidement le spectateur dans l’ambiance et la tonalité. C’est pourquoi le pilote de Twin Peaks comporte un générique extrêmement long de 2 minutes 30. Celui-ci permet d’installer un certain malaise notamment grâce à la durée inhabituelle des séquences montrées. Le générique sera par la suite réduit à 1 minute 30 pour les autres épisodes.
Au final, sept éléments s’enchaînent: l’oiseau, bec dressé, en gros plan, l’usine aux cheminées fumantes, des machines qui aiguisent des crans de disque de scie circulaire, un énorme tronc d’arbre à débiter sur une remorque de camion , le panneau Welcome to Twin Peaks planté au bord d’une route sur fond de montagnes sombres ; une cascade torrentielle et un paisible cours d’eau. On y sent évidemment une discordance assez forte entre les images bucoliques et l’activité industrieuse des habitants du coin et son usine polluante.
La combinaison des images de la petite ville à l’aspect serein avec la bande son étrangement empathique crée un sentiment de confort directement contrebalancé par une impression malsaine et mystérieuse.
Et puis, le fait que les habitants de la ville soient totalement absents de la séquence (personne sur la route ni dans les bois, la scierie est en activité, mais aucun ouvrier n’apparaît à l’écran), souligne probablement le fait que le personnage le plus important de la série est la ville de Twin Peaks elle-même.
En quelques mots...
Alexandre Marlier
Twin Peaks
Musique éthérée et longs plans fixes installent durablement l'ambiance de cette série mythique.