Doublage
Jean Renoir dans les années ’30, disait de lui qu’il était une infamie. Qui? Le doublage. Et pourtant, 90 % des films sont projetés en version doublée dans les salles de cinéma francophones. Le pourcentage de séries télévisées doublées doit être encore plus important.
A l’époque de Renoir, les comédiens français apprenaient leur texte par cœur et le jouaient en tentant d’être le plus raccord possible. Aujourd’hui le processus semble plus pro. Un détecteur repère les mouvements des lèvres de l’acteur. Un adaptateur traduit les dialogues en fonction de ces mouvements de lèvres. Un calligraphe recopie la traduction sur une bande qui défilera sous les images. Et les acteurs s’efforcent de jouer le texte dans les délais les plus courts possibles.
Attention, il s’agit de ne pas confondre postsynchronisation et doublage. La postsynchro consiste à réenregistrer en studio les dialogues originaux d’un film. C’est l’acteur original qui s’en charge. On y a recourt lorsque des bruits parasites, des interférences ont rendu le travail du son inaudible. Parfois les auteurs ajoutent l’une ou l’autre phrase au moment du montage, quand les acteurs ont le dos tourné à l’image par exemple. Cela permet de faire passer des informations supplémentaires. Ces dialogues sont postsynchronisés.
Le doublage consiste à jouer une traduction d’une partie dialoguée. Cette traduction est préparée en référence au scénario et aux images d’origine. Le but est de la substituer à la bande son originale.
Un acteur de doublage est avant tout une voix… qui doit coller au physique de l’acteur d’origine et se rapprocher de son timbre. Et même quand la voix est extrêmement proche on a parfois des surprises. Elle participe à la personnalité qui se dégage d’un personnage.
Quand on est habitué à la voix française, on s’est forgé une image de la personne. Cette image peut être un peu bouleversée à l’audition de la voix originale. Personnellement, j’ai eu le cas avec le personnage de Carol Hathaway (d’Urgences). La voix française est plus douce que celle de Julianna Margulies. En VO, Carol paraît donc un peu plus masculine.
Mauvais le doublage? Saurait il en être autrement? Les doubleurs rejouent des scènes dont ils n’ont pas le contexte. Les bruits ambiants doivent être recréés. C’est tout sauf naturel, quoi!
Ajoutez à ça, la rapidité obligatoire. Trois épisodes d’une sitcom en boite en 8 heures, c’est le rythme normal. Pour donner un élément de comparaison, le tournage d’un épisode de sitcom prend 8 heures. Et la rapidité est de mise à tous les échelons, y compris celui de l’écriture. Ce qui explique probablement les erreurs de sens. Il faut pouvoir comprendre les versions originales pour s’en rendre compte.
C’est le cas de Martin Winckler, critique de séries télévisées. Il a passé un an aux Etats-Unis. Dans son analyse de Twin Peaks publié dans le livre « Les Grandes séries américaines de 1970 à nos jours », il pointe quelques erreurs de traduction. « We’ll go dutch » (nous partagerons la note) a été traduit par « On mangera hollandais ». « Red herring » (une fausse piste) est devenu le « coup du hareng ». Il déplore également la traduction peu recherchée qui a fait disparaître une bonne part des doubles sens contenus dans la version originale. Il épingle encore quelques grossières erreurs. Un des collaborateurs de Cooper est parfois appelé Pete et parfois Frank. Quand il reçoit la cassette vidéo, la docteur Jacoby s’exclame que c’est extraordinaire. Dans la version américaine, il avait simplement cité le nom de l’endroit où la vidéo a été tournée.
Pour terminer, quelques exemples: Jean Berger prête sa voix à Patrick Macnee, le John Steed de Chapeau Melon Et Bottes De Cuir, mais il est aussi la voix de Charlie dans Drôles De Dames. Lee Majors (L’Homme Qui Tombe A Pic) et Actarus de Goldorak possèdent la même voix, celle de Marc De Georgi. Dominique Paturel était l’organe vocal de Roy Thinnes (David Vincent dans Les Envahisseurs), de Larry Hagman, l’abominable JR de Dallas, de Robert Wagner alias Jonathan dans L’Amour Du Risque et George Peppard, Hannibal dans L’Agence Tous Risques. Serge Sauvion est la voix de Columbo. Francis Lax est celle de Tom Selleck (Magnum), David Soul de Starsky & Hutch. Jacques Thébault est la voix de Robert Conrad (Les Mystères De L’Ouest notamment), Patrick MacGohan (le Prisonnier) et Bill Cosby.
Du côté des dames, Céline Monsarrat est la voix de Cheryl Ladd de Drôles De Dames. Depuis, elle double Julia Roberts. Nadine Delanoë a doublé Joanne Lumley (The New Avengers), Kelly dans Santa Barbara, Maya L’Abeille. Lita Recio prêtait sa voix à Endora la mère de Samantha, Ma Sorcière Bien Aimée.