Glossaire

Premiers Baisers

Toutes… On était toutes amoureuses de Jesse dans La Fête A La Maison, de Futé dans L’Agence Tous Risques ou de Magnum. Tous… Vous tombiez tous sous le charme de la victime blonde que le détective hawaïen tentait de tirer d’une mauvaise situation. Sans compter Madame Peel ou Maddie Hayes.

Bien entendu, pas question d’avouer ces idylles cathartiques. Généralement, on s’accommodait plutôt bien des oeillades de l’un ou l’autre prétendant, des approches de la belle voisine. On sentait bien que quelques chose se préparait.

Si bien que le moment fameux des premiers baisers étaient porteur de sentiments emmêlés. Jalousie et déception, puisque le téléspectateur le perçoit de l’extérieur. Soulagement et attendrissement car il le vit par procuration. Ce rapport à la fiction est ambigu, mais très fidélisateur. Et c’est pour ça que les créateurs jouent aussi souvent sur le phénomène d’attraction entre deux personnages.

Pourtant ce moment de la concrétisation de la relation est difficile à négocier pour une série. Il risque de casser la magie et de faire descendre l’audience. Les téléspectateurs sont contents et n’ont plus rien à attendre du programme ou ils sont déçus.

Ce moment des premiers baisers change également tout. La série est un policier, les personnages et les intrigues se déplacent des affaires criminelles vers le développement de la relation. S’il s’agit d’un soap opera ou d’un feuilleton familial, le pôle d’intérêt s’en trouve également bousculé. Les productions négocient avec prudence ce changement.

Il y a d’abord ceux qui s’embrassent sans réellement passer le pas. Il s’agit d’un rêve (c’est le cas dans Clair De Lune) ou d’une hallucination (le nombre d’accouplements ou de baisers échangés entre Ally et Billy avant le « vrai »).

Ou bien c’est un geste irréfléchi. Tony et Angela dans Madame Est Servie, Joey Fleischman et Maggie O’Connell dans Bienvenue En Alaska. Dans tous les cas, le téléspectateur attend depuis longtemps ces premiers baisers implicitement annoncé. Laura et Almanzo dans La Petite Maison Dans La Prairie, Mulder et Scully, Jesse Katsopolis et Rebecca Donaldson dans La Fête A La Maison, Piper et Léo dans Charmed ont tous pris au moins une saison avant de s’y mettre.

Certains de ces baisers étaient programmés dès le début. Celui de Vincent et Marie dans PJ par exemple; ou l’inévitable Laura Ingalls – Almonzo Wilder (selon le livre). On a juste fait durer le plaisir. D’autres se sont imposés petit à petit. Et encore, ils ne mènent pas nécessairement au mariage. La « Femme d’Honneur » a approché un de ses subordonnés, sans plus.

Pour certaines séries, le baiser est une manière de boucler en beauté définitivement ou un cycle de personnages (Rick Hunter ou Les Dessous De Palm Beach). D’autres programmes ont ainsi favorisé un renouvellement des intrigues. Les situations comiques ne seront plus centrées sur le rapport employé-patron entre Tony et Angela, mais sur leur couple.

Puis, il y a ces programmes qui n’ont jamais cédé à la tentation. Jarod et Miss Parker entretiennent le doute, Emma Peel et John Steed ont gardé leurs distances. Ally et John Cage… Les téléspectateurs sont peut-être frustrés, mais la magie plane toujours.

Enfin, il y a ceux qui multiplient les baisers au point que ça en devient lassant. James West des Mystères De L’Ouest, Futé de L’Agence Tous Risques, Magnum, Michael Knight de K2000… Tous ces justiciers mâles qui sauvent les jolies victimes blondes bien coiffées en somme! Bizarre, elles sont plus rares à avoir eu envie d’embrasser le docteur Banner…

Sarah Sepulchre

Sarah Sepulchre est professeure à l’Université de Louvain (UCL, Belgique). Ses recherches portent sur les médias, les fictions, les cultures populaires, les gender studies et particulièrement sur les représentations, les liens entre réalité et fiction. Sa thèse de doctorat était centrée sur les personnages de séries télévisées.

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