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Arrested Development

Il était temps que l’on vous parle de la sitcom qui a donné un sacré coup de fouet au genre: Arrested Development. Elle est évidemment apparue sur la chaîne Fox, une des grandes spécialistes des séries décalées et politiquement incorrectes. C’est sur cette chaîne que sont nées des séries telles que Mariés Deux Enfants, Les Simpson ou encore Malcom.

Je tiens à préciser que ce n’est pas une déclaration vaine lorsque j’annonce que Arrested Development a bousculé le genre « sitcom ». En effet, le série est tellement révolutionnaire qu’il m’a fallu du temps avant que je me rende compte que j’étais justement face à ce genre sériel très particulier.

Arrested Development réussit avec brio à avoir les particularités les plus réjouissantes d’une sitcom tout en se débarrassant des défauts et des gimmicks inhérents à ce genre.

Premier gros changement: exit le 4ème mur. Je m’explique: le genre sériel des sitcoms est généralement caractérisé par un 4ème mur invisible, un mur dans lequel la place du spectateur se trouve. On regarde ainsi les acteurs évoluer dans un décor de théâtre composé de trois murs: à gauche, à droit et au fond. Le 4ème mur est quant à lui réservé au spectateur. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir les acteurs s’adresser à ce mur.

Deuxième changement (inhérent à l’absence de mur): l’absence de rires. Etant donné que la sitcom ne donne plus d’espace au spectateur, il est logique de constater que sa présence sonore a également disparu. Fini donc les rires gras et appuyés qui nous expliquent quand il faut rire.

Dans le cas d’Arrested Developement, la présence de rires serait d’ailleurs totalement incongrue et ce pour deux raisons: un, la série est tellement drôle qu’on entendrait qu’un brouhaha de rires non stop, et deux, la série est construite comme un reportage faisant le portrait d’une famille à la manière des Osbourne.

L’histoire

Arrested Development est un reportage consacré à une famille américaine fortunée, les Bluth. Les Bluth vivent dans l’opulence, sans avoir à se soucier de rien. Le père de famille est chef d’entreprise, un peu véreux sur les bords, et ramène l’argent à la maison.

Tout le monde dans cette famille semble apprécier cette situation… sauf Michael, un des fils, le seul à avoir un peu de bon sens. Michael est veuf et doit s’occuper seul de son fils Georges Michael. Si si! Il a bien appelé son fils ainsi… George Michael.

Au début de la série, Michael a comme projet de couper définitivement les ponts avec sa famille et partir vivre avec son fils en Arizona. Malheureusement pour lui, les magouilles de son père viennent d’être découvertes… Etant donné qu’il est le seul membre de la famille avec de la jugeote, il ne reste plus que lui pour s’occuper de la société et surtout de sa famille pour le moins anormale.

La série est donc le reportage qui suit au quotidien les déboires de ce brave Michael face à sa famille. Le scénariste et créateur de la série Mitchell Hurwitz a certainement fait ses classes en regardant des épisodes de la célèbre émission de télévision « Strip Tease » tant la forme visuelle de sa série s’en inspire: elle est tournée caméra à l’épaule, multiplie les zooms et les flous et ne se prive pas pour apporter un regard ironique et moqueur sur la famille.

On a réellement l’impression qu’une équipe de journalistes suit cette famille au quotidien. Sensation renforcée par l’ajout de mini séquences de « preuves » ou documentaires en plein milieu d’un dialogue.

Exemple: lors d’une discussion entre les membres de la famille, l’un d’entre-eux affirme qu’il a fait quelque chose auparavant, on voit alors en l’espace de quelques secondes la séquence où il fait la chose en question et on retourne ensuite sur la scène de dialogue de départ.

Ce procédé est le véritable gimmick de la série. Il est d’ailleurs source de fou-rires car ce que le personnage annonce avoir fait est bien souvent très différent par rapport à la réalité de la séquence tournée.

L’omniprésence de la voix-off renforce également cette sensation de se retrouver face à un reportage. Elle explique, commente et sous-titre les aventures de cette famille. Ce procédé très particulier est en règle générale casse-gueule dans une série. Mais ici, il marche à merveille car il enrichit véritablement l’histoire.

En effet, la voix-off permet souvent de clarifier une situation ou un quiproquo sans quoi le spectateur serait réellement perdu. En effet, le rythme des dialogues et des situations de Arrested Development est tellement soutenu qu’il laisserait le spectateur sur place si cette voix-off ne venait pas à chaque fois le remettre à la page.

Arrested Development: les personnages

Comme toutes les sitcoms, Arrested Development a mis un point d’honneur a mettre en scène des personnages aux caractères très affirmés et surtout hauts en couleurs. Que ceux qui pensaient avoir tout vu avec Friends, Mariés Deux Enfants ou Absolutely Fabulous se détrompent: la galerie de personnages loufoques de cette série dépasse tout ce que vous pouvez imaginer.

Le père, interprété par Jeffrey Tambor, est un des plus gros pourris que la terre ait jamais porté. Chef d’entreprise véreux, il n’hésitait pas à vendre des maisons à Saddam Hussein pour s’enrichir. Il finit (ou commence plutôt) en prison mais contre toute attente, il semble aimer cet état de fait. Il joue au baseball et trouve sa place dans les gangs de la prison…

Il y trouve même la foi. En effet, après un séjour en isolement, il aperçoit l’étoile Juive et décide de se reconvertir au judaïsme. N’ayant pas de kippa sous la main, il s’en confectionne une lui-même: il coupe dans ses charentaises un bout de tissu et se le colle sur l’arrière du crâne. Mais tout ceci n’est que façade puisqu’en réalité, il continue à diriger sa société, même en prison, grâce à ses nombreuses relations.

Sa femme Lucille, interprétée par Jessica Walter, est certainement la soeur aînée de Edina Mansoon d’Absolutely Fabulous. Elle ne pense qu’à elle et à son confort et se fiche éperdument de l’éducation de ses enfants. Ces derniers sont toujours étonnés lorsqu’elle leur montre un brin d’affection.

Par exemple, lorsqu’elle prend exceptionnellement son fils Michael dans ses bras, il s’étonne de la situation: « Maman, qu’est-ce que tu fais? ». Autre passe-temps de Lucille: s’occuper ou torturer (c’est selon) son fils cadet Buster (joué par Tony Hale) qui n’a pas encore coupé le cordon ombilical et qui est très loin d’en avoir fini avec son complexe d’Oedipe.

Il est en effet incapable de quitter sa mère et préfère rester dans ses études, aussi inutiles que fastidieuses. Il essayera bien de couper le cordon, il tombera alors amoureux de la meilleure amie de sa mère qui, manque de bol, s’appelle aussi Lucille (jouée par Liza Minelli). Et oui, Arrested Development n’évite aucune situation scabreuse!

La description de la famille va en s’empirant puisque voici le couple Tobias et Lindsay. Lindsay est la soeur jumelle de Michael. Elle est jouée par Portia de Rossi. Ce nom vous dit certainement quelque chose puisqu’elle interprétait la glaciale Nelle dans Ally McBeal.

Elle se révèle ici nettement plus drôle dans le rôle bien plus intéressant d’une femme accro au shopping, fan de galas et très peu concernée par l’éducation de sa fille Maeby (Alia Shawkat). Très ironique et manipulatrice, cette dernière tente désespérément d’attirer l’attention sur elle… ne remarquant pas que la seule personne qui la vénère est son propre cousin, George Michael.

Son père Tobias, superbement interprété par David Cross, est un docteur rayé de l’ordre des médecins pour avoir pratiqué un massage cardiaque sur une personne simplement endormie dans un transat. Depuis, Tobias n’a qu’une seule ambition: devenir acteur. Et comme il se révèle aussi doué en médecine qu’en jeu théâtral, les propositions ne pleuvent pas!

En outre, Tobias n’est ni plus ni moins qu’un homosexuel qui s’ignore. Il se retrouve continuellement dans des situations où il est entouré par des homos mais qu’il est le seul à ne pas remarquer. Il participe ainsi sans le vouloir à une forme de gay pride, il sort dans un bar sado maso homo, il fait une lecture du livre qu’il a écrit: « L’Homme En Moi » (lecture à laquelle ne participent bien évidemment que des homos).

Autre particularité, Tobias est nudophobe. Il ne peut se mettre nu, même seul. Il prend ainsi sa douche avec le tout petit short en jeans qui ne le quitte jamais. Petit short en jeans qui fait franchement gay! Il est, pour ma part, le personnage le plus hilarant de la série. La scène où il retire son peignoir pour se retrouver dans son petit short en jeans face à son neveu car il croit que ce dernier est nudophobe comme lui vaut le déplacement!

Dernier personnage à présenter: Gob (prononcer Job!) le 3ème fils et le magicien raté. Il est le membre de la famille le moins apprécié. Et pour cause, c’est le plus tocard d’entre tous! Il a la mauvaise habitude de révéler malencontreusement ses tours de magie ou de les rater complètement…

Dans la première saison, il a une petite amie qui joue dans un soap opéra espagnol particulièrement ringard. Bien qu’elle soit belle et sympathique, il la trompe régulièrement. Histoire de compliquer le tout, son frère Michael tombe amoureux d’elle… ce qui sera source de tension entre les deux frangins.

Suite à ce petit panoramique de la famille Bluth, je me devais de préciser qu’ils ne sont pas les seuls personnages hauts en couleur de la série. Je devrais citer en vrac l’avocat du père d’une nullité abyssale qui passe ton temps à se payer des prostituées plutôt que de lire son dossier (interprété par Henry Winkler, le Fonzie de Happy Days), la secrétaire du père, hystérique résolue à montrer ses seins à tout le monde depuis qu’elle les a fait refaire…

Ou encore Annyong, le fils Coréen adopté par la famille Bluth. Pour votre culture personnelle, sachez que Annyong signifie bonjour en Coréen… ce que la famille Bluth ignore bien entendu. Ainsi, à chaque fois qu’ils prononcent son nom, ce dernier répond « Annyong » croyant qu’on le salue. Et autant vous dire que cette blague revient une dizaine de fois par épisode!

Arrested Development: saison 2

Les scénaristes y reprennent l’histoire exactement à l’endroit où la première saison s’était arrêtée: George Bluth Senior arrive à s’échapper de prison en prétextant une crise cardiaque. Il fausse compagnie à toute sa famille alors qu’il était alité dans son lit d’hôpital.

Michael décide que s’en est trop. Il prend la tangente avec son fils et part s’installer loin de cette famille. Malheureusement pour lui, son départ ne provoque pas la réaction qu’il espérait… Le reste des Bluth semble ne pas s’en faire et contre toute attente se débrouille sans lui. Touché dans son orgueil, il fait demi-tour avec son fils et tente de leur démontrer qu’il est indispensable malgré tout!

La première saison m’avait donné des crampes au ventre tellement j’avais ri. J’attendais donc beaucoup de la saison 2… avec beaucoup d’appréhension également! En effet, comment les scénaristes allaient-ils pouvoir créer de nouvelles situations aussi déjantées? Des gags aussi incontournables? Des répliques aussi magistrales? Je n’ai pas la réponse à la question, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils y sont parvenus!

La saison 2 est aussi, si pas plus, folle que la première! Même si les premiers épisodes font craindre le pire (gags un petit peu éculés et petit manque de rythme), les scénaristes se sont visiblement creusés la tête pour pousser les personnages dans leur folie à travers des situations plus drôles les unes que les autres.

A commencer par Tobias. Se rendant compte qu’il est un acteur raté et que son mariage ne tient plus qu’à un fil, il décide de suivre une thérapie. Il s’inscrit alors à un groupe de soutien: « Blue Man »… un groupe qu’il croit être des partenaires de déprime mais qui sont en réalité des musiciens peints en bleu!

Tobias passe alors la moitié de la saison peint en bleu. Il n’est pas rare de voir des traces de peinture un peu partout! C’est à mourir de rire. D’autant que le Tobias en question ne trouve rien de mieux que de se promener la nuit ainsi peint, se faisant alors écraser par des automobilistes!

Autre trouvaille de choix, George Michael qui se trouve une petite amie: Anne, une grenouille de bénitier inintéressante au possible. Son père fera tout pour les séparer, mais ne fera que renforcer les liens de ce couple improbable. La jeune fille, souvent présentée de façon floue et en fond d’écran, se révélera aussi déjantée que le reste de la famille. Elle fera notamment une manifestation contre Marc Cherry, le créateur de Desperate Housewives, parce que sa série est considérée comme impie!

Et il ne s’agit pas là de la seule allusion de la série à l’actualité du moment: un sosie de Michael Moore convainc Lucille d’envoyer son fils en Irak. Le moins que l’on puisse dire après, c’est que l’armée et le conflit en Irak ne ressortent pas grandis de la critique au vitriol d’Arrested Development.

Les réalisateurs continuent quant à eux d’exploser les règles des séries télévisées et se paient le luxe d’aligner les clins d’yeux aux fans de séries. C’est ainsi que la paternité de Buster se retrouve régulièrement remise en question.

En effet, Oscar, le frère jumeau de George, s’installe chez Lucille pour y vivre sa passion avec cette dernière. Dès qu’il a une scène avec Buster, il trouve toujours le moyen de glisser une phrase bidon sous-entendant qu’il serait le vrai père du benjamin de la famille. Cette phrase est systématiquement accompagnée d’un zoom et d’une musique typique soap opéra pour souligner l’intensité dramatique de l’événement.

Je n’en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher la surprise. La saison 2 d’Arrested Development est une franche réussite. Seul regret: la disparition d’Annyong, rapidement envoyé dans une école privée.

Analyse

Arrested Development est l’une des séries les plus jouissives qu’il m’ait été donné de voir. Chaque épisode est un régal et contient son lot de répliques et de situations appelées à devenir cultes. La série est tellement révolutionnaire qu’elle perturbe et déroute au départ.

On est d’abord interloqué en regardant les premiers épisodes. On se demande vraiment ce qu’on est en train de regarder. La réalisation est tellement particulière, les partis pris tels que la voix-off sont très risqués… Et pourtant ça fonctionne!

Au départ, j’avoue avoir eu peur face au rythme effréné de la sitcom. Tout s’enchaîne à une vitesse incroyable, les gags cultes fusent… le spectateur est bombardé d’une multitude de répliques piquantes, de détails visuels à pleurer de rire,… C’est d’ailleurs parfois trop rapide (il s’agit d’un des reproches majeurs des rares détracteurs de la série).

On se dit d’abord qu’il est totalement impossible que les scénaristes parviennent à tenir à une telle allure. Après les premiers épisodes, j’étais moi-même persuadé que la série connaîtrait rapidement une baisse de régime, vu le niveau d’excellence des premiers épisodes. Force est de constater qu’il n’en est rien! La série est drôle d’un bout à l’autre et seuls quelques malheureux et très rares épisodes déçoivent légèrement…

Pour ne rien gâcher, Arrested Development est une série à la fois intelligemment drôle et intelligente tout court. On est, en effet, face à une série qui, comme les films du Splendid, méritent qu’on la regarde plus d’une fois pour en découvrir toutes les subtilités comiques. De plus, derrière le rire, Mitchell Hurwittz se paie le luxe de soulever des thèmes importants comme la liberté d’expression.

En effet, lors d’un épisode, Lindsay apprend que son coiffeur refuse de la coiffer car il proteste contre la guerre en Irak. Furieuse, Lindsay décide de protester également contre la guerre parce que cette dernière lui empêche d’être coiffée. Comme dommage collatéral, on a vu pire mais soit… Elle part donc à une manifestation contre l’armée.

Mais la manifestation ne se passe pas comme prévu puisque l’armée a construit une grande cage en métal (pouvant contenir une dizaine de personnes) et demande aux manifestants de faire valoir leur arguments dans la cage. En réalité, la cage représente la liberté d’expression aux Etats-Unis… La pique est lancée!

Mais comme les scénaristes de la série ne se prennent décidément pas au sérieux, la manifestation prend encore un autre tournant lorsque l’armée vient arroser les manifestants. Lindsay reste courageusement dans la cage et se transforme subitement en danseuse exotique et mouillée. Pour le petit détail, sachez que sa mère passera alors à côté et voyant une fille se dandiner de manière obscène dans une cage criera « salope » de sa voiture.

Il me fallait encore aborder le petit détail qui sacre la série au titre de sitcom révolutionnaire: la dernière séquence présente pour de faux ce qu’il y aura dans le prochain épisode, permettant ainsi de diffuser de rapides scènes comiques.

Brillamment écrite, merveilleusement mise en scène et surtout appuyée par un casting de haut vol, Arrested Development mérite amplement le succès critique qu’elle a reçu. Dès la première saison, la série a ainsi obtenu pas moins de 4 Emmy (meilleure série comique, meilleur casting, meilleur réalisateur et meilleur scénario pour une comédie avec l’épisode pilote) et un Golden Globe (meilleur acteur de comédie pour Jason Bateman). Voilà déjà un beau palmarès.

Arrested Development a néanmoins posé problème à la Fox depuis sa création. Bien qu’acclamée par la critique et largement récompensée, la sitcom n’a jamais réussi à faire décoller son audience, stagnant en moyenne à 6 millions de téléspectateurs pendant les deux premières années.

A l’automne 2006, le Network a mis à l’antenne la troisième saison de la série dans une nouvelle case horaire: le lundi soir. Avec des résultats encore plus faibles: 4,3 millions en moyenne. Du coup, la commande a été réduite à 13 épisodes seulement au lieu de 22. Au terme de cette saison, la série a finalement été annulée, mais se termine sur une vrai fin. A moins que…

En quelques mots...

Nathanaël Picas
Alexandre Marlier
Tilman Villette

Arrested Development

La sitcom ultime sur une famille de nouveaux pauvres: trois saisons de rires ininterrompus, de quiproquos portés par un casting exemplaire et une bonne humeur communicative. A conseiller à tous les dépressifs.

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Crédits Photos:
20th Century FoxImagine EntertainmentThe Hurwitz Company

Nathanaël Picas

Nathanaël Picas a suivi des études de journalisme à l’Université Catholique de Louvain. Sa formation terminée, il a travaillé en tant que journaliste free lance pour la presse écrite et télévisée. Il a également été animateur sur Musiq’3. C’est à cette époque qu’il a rejoint l’équipe d’AFDS. En 2005, il devient attaché de presse dans une agence de communication.

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